Dante 700 ansImages5. À la rencontre d’Ugolino

2 juin 20210


Ugolino della Gherardesca, comte de Donoratico, officier et puissant homme politique, a été l’un des tyrans les plus cruels de Pise au XIIIe siècle. Dans cette période, la Toscane est déchirée entre deux factions qui se font la guerre : les Gibelins, qui soutiennent la domination du Saint-Empire germanique sur l’Italie, et les Guelfes alliés au pape en faveur d’un ensemble de cités-états indépendantes. C’est dans ce contexte que Ugolino trahit la cause des Gibelins en rejoignant les Guelfes et en jouant un rôle ambigu lors de la bataille navale de la Meloria en 1284, au large de Livourne, au cours de laquelle la flotte de Gênes anéantit celle de Pise. Une conspiration dirigée par l’archevêque de Pise, Ruggieri degli Ubaldini, le fait tomber et il est emprisonné avec quatre de ses descendants dans la Torre dei Gualandi, appelée aussi Torre della Muda, où on les laissera mourir de faim.
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Giuseppe Diotti (1779-1846)
Le Conte Ugolino dans la tour. Vers 1820. Huile sur toile, Museo Civico Ala Ponzone, Crémone.

Ugolino est connu et passé à la postérité pour avoir été placé par Dante dans le dernier cercle de l’Enfer au chant XXXIII. Dans la toile ci-dessous, le peintre Giuseppe Diotti le montre en train de se mordre les mains. Les quatre garçons, le croyant assailli par la faim, l’implorent de les manger. Ugolino aurait-il dévoré les cadavres de ses enfants comme la légende l’a transmis ou bien plus vraisemblablement est-il mort lui aussi de faim ? Est-ce pour cela qu’il doit mordre sans cesse dans le crâne de l’archevêque Ruggieri degli Ubaldini responsable de leur terrible destin ?

Le Conte Ugolino dans l’acte de mordre ses mains. 1836. Huile sur toile, Accademia Carrara, Bergame.

 

Joshua Reynolds (1723-1792)

Les points de lumière dans le tableau du portraitiste anglais Joshua Reynolds concentrent le regard du spectateur sur deux visages préfigurant la mort : à gauche celui de Ugolino, pétrifié, qui fixe le dehors du tableau, à droite celui émacié de l’un de ses enfants à l’agonie. Ugolino semble ne pas entendre le petit Anselme serré contre lui, ni voir la détresse des deux autres garçons effacés dans la pénombre.

Ugolino et ses fils. 1773. Huile sur toile National Trust, Knole (Angleterre).

Au dos du tableau, l’auteur a inscrit les vers 49-54 du chant XXXIII  :

Io non piangëa, sì dentro impetrai :
piangevan elli ; e Anselmuccio mio
disse : « Tu gardi sì, padre ! che hai ? »

Perciò non lagrimai né rispuos’ io
tutto quel giorno né la notte appresso,
infin che l’altro sol nel mondo uscìo.

Je ne pleurai pas, en moi pétrifié ;
eux, ils pleuraient ; petit Anselme dit :
«Qu’as-tu, père, à ainsi nous regarder ? »

Ni ne larmoyai ni ne répondis
de tout ce jour-là ni la nuit d’après,
jusqu’à ce qu’un nouveau soleil eût jailli

 

Giovanni Stradano (1523 – 1605)
Inferno 33, Conte Ugolino. 1587. Gravure in Divina Commedia, Fratelli Alinari editori, Biblioteca Medicea Laurenziana, Florence.

Giovanni Stradano, peintre d’origine flamande a pris le parti d’évoquer simultanément les deux châtiments d’Ugolino avec des scènes qui se partagent l’espace de la composition. En bas, dans un trou au milieu des glaces d’où surgissent les têtes des traîtres, le comte penché sur le dos de l’archevêque, livre son histoire à Dante. Dans la partie haute de la gravure on le voit au milieu des corps sans vie de ses enfants prisonniers avec lui dans la tour de la faim. Le descriptif pictural de Giovanni Stradano le met en relation avec l’œuvre de son contemporain Federico Zuccari et de l’illustrateur du XIXe siècle Gustave Dorè.

 

Jean-Baptiste Carpeaux (1827 – 1875) 
Ugolino et ses quatre enfants. 1862. Bronze fondu par Victor Thiébaut, musée d’Orsay, Paris.

Ce groupe de personnages constitue le dernier envoi du sculpteur et peintre Jean-Baptiste Carpeaux en tant que pensionnaire à la villa Médicis à Rome. En choisissant ce sujet, l’artiste n’a pas respecté les normes académiques imposant une ou deux figures seulement et un sujet tiré de l’Antiquité ou de l’Histoire Sainte. Il a voulu exprimer les passions les plus violentes à travers les mains et les pieds crispés et le visage de douleur et d’angoisse du père ainsi que la détresse de chaque enfant mourant.

Pour aller plus loin :

  • Il conte Ugolino, (1908), film italien de Giovanni Pastrone
  • Il conte Ugolino, (1949), film italien de Riccardo Freda
  • Francesco Mallegni, M Luisa Ceccarelli Lemut, 2003, Il conte Ugolino di Donoratico tra antropologia e storia, Edizioni PLUS
  • Paola Benigni, Massimo Becattini, 2008, Ugolino della Gherardesca : cronoca di una scoperta annunciata, Archeologia Viva, Giunti Editore
  • Il Canto XXXIII dalla Divina Commedia di Dante Alighieri, 1826,  Cantate, Gaetano Donizetti : http://www.youtube.com/watch?v=dPV0WwKAYRE 

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